Dilemme et guerre autour des terres rares

Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, le tournant écologique qu’amorcent de nombreux pays occidentaux ne serait pas si vert… En cause, l’exploration de terres rares – si convoitées par les acteurs de la transition énergétique – dont les effets sur l’environnement viendraient en annihiler les bénéfices escomptés. Prenons quelques instants pour découvrir les secrets des terres rares.

 

Une exploration contestée pour une demande toujours plus importante
Affublés de noms aussi imprononçables qu’exotiques (scandium, ytterbium, disprosium…), les terres rares se trouvent en abondance dans l’écorce terrestre. Alors pourquoi les dit-on « rares »? Leur très faible concentration ou la difficulté de les extraire avec les techniques de l’époque (18e siècle) pourrait en être la cause. Toujours est-il que leur extraction continue de susciter des controverses, notamment en raison de méthodes coûteuses et dévastatrices pour l’environnement, comme l’illustre Guillaume Pitron, auteur de La guerre des métaux rares – La face cachée de la transition énergétique et numérique : exploitation illégale de mines en Chine, utilisation de réactifs chimiques, rejet d’éléments toxiques (acide sulfurique, uranium et thorium) dans les rivières pouvant engendrer une radioactivité jusqu’à 32 fois plus élevée que la normale… Cependant, l’extraction est loin de s’arrêter car, d’une part, les matériaux de substitution sont de moindre qualité et plus chers et, d’autre part, les acteurs écologiques et technologiques en sont très friands. Pour preuve : panneaux solaires, éoliennes (600 kg de néodyme pour les alternateurs), voitures électriques, ordinateurs et téléphones portables, objets connectés, radiographique médicale, éclairages fluorescents, sans oublier les satellites de communication, les avions de combat, les radars ainsi que les missiles et bombes intelligentes… ce n’est donc pas un hasard qu’on les appelle aussi les métaux stratégiques.

 

Quand la Chine menait seule la danse
Dès les années 80 et 90, la Chine s’est lancé le défi de devenir le principal producteur de terres rares, et elle s’en est donné les moyens. Des programmes nationaux et une politique anti-exportations ont eu raison des sociétés australiennes, américaines, brésiliennes… qui ont été obligées soit de fermer boutique soit de transférer leurs usines en Chine. C’est ainsi qu’actuellement, la Chine contrôle 75 % des terres rares mondiales, alors qu’elle ne possède que 37 % des gisements, d’après la United States Geological Survey (18 % pour le Brésil, 18 % pour le Vietnam, 15 % pour la Russie ou encore 1,2 % pour les États-Unis). Devant un tel monopole, les pays ont fini par réagir. D’une part, l’Australie (Mount Weld) et la Californie (Mountain Pass) ont décidé de rouvrir leurs mines, décision facilitée par des hausses de prix vertigineuses (le dysprosium et le terbium étant multipliés respectivement par 6 et 9) qui leur permettront de ne pas travailler à perte. D’autre part, on mise sur pas moins de 312 projets d’exploration répartis sur 34 pays et menés par plus de 200 sociétés différentes. Au Canada, trois provinces sont sur le devant de la scène : l’Alberta avec l’Alberta Black Shale Project, les Territoires du Nord-Ouest et son Nechalacho Rare Earth Element Project ainsi que la Saskatchewan avec le Hoidas Lake Project. D’ici 2020, une vingtaine de sociétés seraient en mesure de compétitionner avec la Chine. À suivre…

 

Avant-gardiste avec la mise en place de programmes étatiques, de laboratoires publics et d’instituts entièrement dédiés aux terres rares, la Chine est rapidement devenue une menace qui a été, tardivement, prise au sérieux par la communauté internationale. Menace que le président Trump a décidé de prendre à bras-le-corps, en décembre 2017, avec un ordre exécutif visant à relancer la filière des métaux critiques pour éviter une crise d’approvisionnement : leurre ou espoir?

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