Une minutieuse étude sur le marché de l’emploi en ingénierie de Prism Economics and Analysis a permis d’établir des projections d’embauche jusqu’en 2020, lesquelles présentent des déséquilibres certains entre les différentes provinces canadiennes.
UN MARCHÉ DU TRAVAIL DÉSÉQUILIBRÉ
L’étude réalisée par Prism Economics and Analysis met en exergue trois types de déséquilibres sur le marché de l’emploi du génie au Canada. Le premier est de nature régionale : alors que le marché de l’Ouest, dit « restreint », pose de grands défis aux recruteurs, le marché moins dynamique de l’Est est synonyme de grande concurrence entre les demandeurs d’emploi. Le deuxième déséquilibre concerne le nombre important d’ingénieurs partant à la retraite par rapport au faible volume d’emplois créés par la croissance économique. Il en résulte une pénurie de compétences, notamment parmi les ingénieurs spécialisés et expérimentés. Le troisième déséquilibre – qui a tendance à s’accentuer – se situe entre les jeunes ingénieurs, sans grande expérience pratique, et les ingénieurs venant de l’étranger en grand nombre pour combler des postes destinés à des profils expérimentés. Pour pallier ces déséquilibres croissants, la mobilité régionale est une des clés pour rétablir l’harmonie entre les provinces.
UNE QUESTION D’OFFRE ET DE DEMANDE
La demande de main-d’œuvre pour les métiers du génie au Canada dépend de la relève et de la croissance économique, celle-ci s’avère relativement faible notamment en raison des politiques d’austérité. Toutefois, les provinces de l’Ouest tirent leur épingle du jeu grâce aux investissements miniers, pétroliers, gaziers ainsi que dans les transports et les services publics. La demande liée à la croissance créera 16 000 emplois en génie de 2011 à 2020, principalement à l’ouest du Québec. Quant à la relève, liée au départ à la retraite des ingénieurs, elle représente une question cruciale pour les recruteurs. En effet, l’âge moyen des ingénieurs avoisinant les 40 ans aujourd’hui, il atteindra soixante ans en 2020. Alors que les pertes annuelles d’effectifs oscillent actuellement entre 1,7 % et 2,6 %, ce taux atteindra 4,6 % pour les ingénieurs civils en 2020. Plus de 95 000 emplois seront vacants d’ici 2020; trouver des ingénieurs chevronnés constituera un défi de taille dans certains secteurs.
Quant à l’offre de main-d’œuvre dans les métiers du génie, l’étude de Prism Economics and Analysis précise que 102 000 jeunes ingénieurs intégreront le marché du travail d’ici 2020 au Canada. Pour pallier ce déficit de talents (111 000 emplois à pourvoir), le marché devra recourir aux compétences venues de l’étranger. Près de 80 000 ingénieurs étrangers sont attendus entre 2012-2020, une baisse malgré tout de 50 % par rapport à la période 2001-2010.
DES PARTICULARITÉS PROVINCIALES
Colombie‐Britannique
Malgré une hausse des diplômés en génie, qui culminera en 2017, l’offre ne sera pas suffisante pour couvrir la demande globale, liée aux départs à la retraite et aux nouveaux projets jusqu’en 2020.
Alberta
L’Alberta devrait connaitre une hausse des embauches jusqu’en 2020, après une pause dans les projets pétroliers et gaziers en 2013 et 2014. Les inscriptions aux programmes postsecondaires étant inférieures à la moyenne nationale, et l’immigration ayant chuté depuis cinq ans, la pression sur les recruteurs va s’accentuer.
Saskatchewan
Les marchés de développement des ressources et d’infrastructures sont moins cycliques en Saskatchewan qu’en Colombie-Britannique et en Alberta. Toutefois, la rareté de l’offre demeurera, au cours de la décennie, un véritable problème, accentué par l’insuffisance des diplômés en génie et par une baisse des immigrants. On note déjà une augmentation du nombre d’ingénieurs d’autres provinces souhaitant obtenir un permis et un emploi en Saskatchewan.
Manitoba
La hausse de la demande liée aux nouveaux projets engendrera une tension de 2013 à 2020, notamment en génie civil et électrique. Pour pallier ce déséquilibre, l’industrie manitobaine mise sur l’immigration de travailleurs étrangers temporaires.
Ontario
À partir de 2015, le marché de l’emploi sera moins tendu, en raison d’une arrivée plus soutenue de jeunes diplômés. L’immigration devrait se maintenir jusqu’en 2020 à un taux relativement faible, tout comme la croissance économique, et n’occasionnera ainsi aucun déséquilibre.
Québec
Jusqu’en 2020, la demande de main-d’œuvre en génie sera limitée en raison des tendances démographiques et des compressions budgétaires. Quant à la relève, elle sera largement assurée par l’arrivée, sur le marché, de nouveaux diplômés et d’ingénieurs immigrants. Il en ressort un certain équilibre dans le secteur du génie.
Nouveau‐Brunswick et Île‐du‐Prince‐Édouard
En raison de l’achèvement de grands projets, les embauches liées à la croissance seront limitées, sauf pour les ingénieurs civils et industriels. Un déséquilibre se fera de plus en plus sentir entre un besoin en main-d’œuvre expérimentée (pour pallier les départs en retraite croissants) et une offre jeune et sans expérience.
Nouvelle‐Écosse
Alors que la Nouvelle-Écosse présente les mêmes caractéristiques que le Nouveau‐Brunswick et l’Île‐du‐Prince‐Édouard sur la plan de la demande, elle se distingue au niveau de l’offre. En effet, le faible nombre de jeunes diplômés et un déclin de l’immigration créeront un fort déséquilibre pour un tiers des marchés en génie.
Terre‐Neuve‐et‐Labrador
Dans cette province, les marchés sont plus cycliques qu’ailleurs. L’augmentation de la demande de main-d’œuvre sera en partie comblée par des ingénieurs-conseils venant d’autres provinces; toutefois, Terre‐Neuve‐et‐Labrador devra composer avec certaines périodes de pénurie jusqu’en 2020.
QUELQUES PISTES POUR CONTRER LES DÉSÉQUILIBRES
Afin de réduire les déséquilibres entre l’offre et la demande de main-d’œuvre en génie, quelques pistes pourraient être explorées :
- Bénéficier de l’expertise des ingénieurs approchant de l’âge de la retraite en les maintenant plus longtemps en activité ou en favorisant le statut de consultant;
- Adapter les programmes postsecondaires pour répondre aux besoins des entreprises;
- Augmenter l’offre de main-d’œuvre dans l’Ouest canadien en développant les formations et l’immigration;
- Favoriser les échanges d’ingénieurs entre provinces et spécialités.